Les Jacobins dans Les Dieux ont soif

Mardi 17 Novembre 2020-00:00:00
' Ayman Elghandour

N’hésitant pas à mettre l’accent sur les Jacobins qui résident dans une chapelle, Anatole France donne à son roman les dimensions d’un drame. La Révolution devient la nouvelle religion qui s’intéresse surtout à la restauration de la dignité humaine. Pour sa part, Gaston Martin affirme que « la majorité des Jacobins est foncièrement anticléricale ». 

Les Jacobins s’attaquent à la religion et veulent la remplacer par les slogans de la République : égalité, fraternité, liberté. Bien qu’ils essayent d’être fidèles à leur doctrine et à leur régime libéral et constitutionnel, les Jacobins créent un gouvernement anti-démocratique visant à la subversion de la République. La force révolutionnaire les emportent sur une voie extrêmement sanglante; raison pour laquelle ils commencent à perdre leur popularité. L’auteur réussit à exprimer cette vérité en présentant une scène significative. Il nous permet de comprendre à quel point la mère de Gamelin hait les Jacobins. Quand elle les rencontrait, « elle ameutait contre eux les passants en poussant des cris de mort ». 

L’écrivain français révèle ainsi la dictature des Jacobins : une liberté qui emprisonne et une humanité qui tue. Cependant l’auteur les tient pour une solution nécessaire aux rudes restrictions économiques. Les Jacobins ne lui semblent pas avides de pouvoir, mais des croyants qui cherchent la vérité. Son point de vue est ainsi différent de celui de Michelet. Ce dernier « accuse les Jacobins d’avoir fait avorter la nouvelle religion que la Révolution portait en germe, il accuse en particulier Robespierre d’avoir arrêté la déchristianisation et organisé la fête de l’Etre suprême, pour restaurer par la suite l’ancienne Eglise ». 

Michelet affirme que le jacobinisme se présente comme la nouvelle religion. Les devises républicaines, les bustes de Brutus et de Jean Jacques remplacent les statues des saints. Le club des Jacobins remplace un couvent où Robespierre commence à faire revivre l’esprit fanatique. Sous la poussée de la vie chère et des défaites militaires, les Jacobins renoncent à la démocratie. 

A travers Les Dieux ont soif, Anatole France peut exprimer à quel point les Jacobins ont le dynamisme d’une religion. Bien qu’ils manifestent un culte fervent de la patrie, fondé sur la vertu, l’auteur les accuse d’être foncièrement fanatiques, adoptant de terribles mesures contre le clergé : ils arrêtent le père Longuemare qui est bénédictin, le condamnent à mort et s’avèrent ainsi « les bourreaux des prêtres et les prototypes de l’anticléricalisme d’Etat ». 

Avec le jacobinisme, la vie est à la fois douce et amère. On y remarque la vertu et la terreur. Malgré leur fanatisme, les Jacobins s’appuient sur des orateurs aptes à traiter la politique religieuse, à côté des guerres civiles et extérieures. Anatole France admire leur éloquence persuasive, tout en dénonçant leur despotisme.